Luc Dymarski - Directeur Général de la filière affacturage

La stratégie du groupe Crédit Mutuel est historiquement visionnaire (pionnier dans la bancassurance, place de l’informatique,...) et il poursuit une politique d’investissement volontariste mais prudente. Dans cette ligne, le groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale a intégré les activités d’affacturage et de leasing de General Electric en juillet 2016 pour devenir leader de son marché.

Mener un tel projet dans une carrière, c’est un beau moment où on peut concentrer toute son expérience et fédérer un groupe de femmes et d’hommes de tous horizons pour cristalliser les énergies. C’est comme envoyer une fusée dans l’espace, personne ne peut le faire seul et ce n’est que par un travail d’équipe précis et une coordination parfaite qu’on peut assurer le succès de la mission.

Entretien avec Luc Dymarski, Directeur Général de CM-CIC Factor

Bonjour Luc Dymarski, vous êtes Directeur Général de CM-CIC Factor, filiale d’affacturage du Groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est le métier de l’affacturage ?

Le métier de l’affacturage a une cinquantaine d’années en France, c’est la technique de financement du poste clients des entreprises, quelle que soit leur taille, à tous les stades de leur développement. Cela consiste à acheter les factures de nos clients, à les financer et à les gérer, ou encore à les assurer contre l’insolvabilité des débiteurs. Cette activité a décollé dans les années 60 en France sous l’impulsion de FactoFrance Heller. Au départ, ce marché est un secteur d’indépendants et il est devenu progressivement un produit captif des réseaux bancaires.

Pouvez-vous nous faire un focus sur CM-CIC Factor ?

CM-CIC Factor est une émanation de Factofrance qui s’est créé dans les années 90. Le produit fut tout d’abord distribué dans le réseau CIC, au sein d’une filiale partagée, dont le Groupe a repris le contrôle total en 2011. CM-CIC Factor et Factofrance travaillent donc de longue date ensemble, en particulier au plan des prestations techniques et de l’informatique.

Le produit de l’affacturage a le vent en poupe ; historiquement, c’était une sorte de financement en dernier ressort pour sauver les entreprises en difficultés mais aujourd’hui, c’est un financement banalisé, sécurisé, et qui s’adresse à tous les segments de marché, même les plus techniques.

La France représente le 3ème marché mondial avec 10 % de croissance par an en volume et en activité. Pour notre part, nous avons conduit un fort développement ces dernières années, en particulier sur les grandes entreprises. Le produit devient également de plus en plus international, en accompagnement de nos clients exportateurs, mais nous avons aussi la capacité d’intervenir sur les filiales européennes des grands groupes.

Depuis plusieurs années, grâce à l’action des réseaux Crédit Mutuel et CIC, notre taux de croissance est bien orienté, supérieur à celui du marché. Il faut aussi souligner que le métier de l’affacturage porte les encours dans son bilan et dégage donc les banques en risque, c’est à la fois un centre de métier et un centre de profit.

Comment êtes-vous arrivé à l’achat de la branche affacturage de General Electric ?

En avril 2015, GE a annoncé son souhait de vendre les activités affacturage et leasing de sa branche financière GE Capital, pour se recentrer sur ses activités industrielles. Cette décision d’un repositionnement de ses activités s’explique par différents facteurs tels que l’impact de la crise post-Lehmann, le fait que l’activité d’affacturage soit consommatrice de fonds propres, avec un poids de la réglementation de plus en plus lourd. Nous nous y sommes intéressés car nous nous connaissions bien, et Factofrance affiche de belles positions de place, malgré un modèle quelque peu à l’arrêt depuis plusieurs années. Nous avons monté un groupe d’acquisition composé de 120 personnes ; ce groupe a travaillé sur le dossier pendant presque un an pour aboutir au succès de l’opération, en devenant l’adjudicataire de l’ensemble de l’activité factoring et leasing, avec l’acquisition de quatre business units, en France et en Allemagne.

Quels sont les critères qui ont été déterminants dans la décision de CM-CIC Factor de se lancer dans cette opération ?

Ils sont de plusieurs natures. Tout d’abord, pour la France, Factofrance possède une véritable compétence distinctive de distribution, en tant qu’indépendant non captif d’une banque avec un réseau de courtiers, de mandataires, de conseillers et de fonds d’investissement. Le second critère réside dans sa compétence en distribution directe via un système de scoring et des plateformes qui permet de toucher l’ensemble du marché de manière ciblée. La nouvelle filiale peut également nous apporter une véritable plus-value en matière de culture internationale, avec des ressources humaines expérimentées dans ce domaine.

Cette opération a également été motivée par un contexte d’évolution du métier face à des gros chantiers entraînés par la digitalisation avec, en particulier, la généralisation de la facture électronique et son impact sur le financement et la gestion du poste clients. Cette digitalisation de notre métier combinée avec un SI qui n’était plus dans les standards du Groupe a fait que cette acquisition tombait parfaitement au moment de la refonte nécessaire de notre système En intégrant Factofrance, les coûts nécessaires au développement du nouveau système pouvaient ainsi être divisés par deux, car répartis sur une masse économique plus grande et plus efficace. Cette composante informatique a donc aussi joué sur la décision d’achat.

Quels sont vos ambitions pour les années à venir ?

Nous sommes leaders du marché avec 25 % de l’activité en France et notre ambition est de maintenir cette position dans la durée, tout en améliorant les ratios financiers et donc nos résultats, pour les porter à une centaine de millions avant impôts à horizon 3-4 ans. Nous avons les moyens de relever ce défi avec notre modèle d’organisation :

  • une distribution séparée et des marques distinctives par réseaux de distribution ;
  • un back-office de gestion par marque mais une mise en commun des activités de pilotage et de contrôle ;
  • et comme évoqué un système d’information commun.

À plus long terme, il faudra réussir la construction d’une véritable filière métier européenne.

Concernant l’opération d’achat des activités de GE, avez-vous été confronté à des problème de cultures d’entreprise différentes ?

Lors du rapprochement, nous avons constitué : un Comité Exécutif commun composé de sept personnes provenant des trois sociétés, CM-CIC Factor, Factofrance et sa filiale Cofacrédit ; des comités de direction pour chaque entité sociale ; des comités de coordination pour le commercial, les risques, les engagements et la relation clients ; et un corps de managers dont l’origine est à 50/50. Nous avons organisé un séminaire pour réunir ce corps de managers autour de la culture et de nos valeurs d’entreprise. Nous devons prendre les bonnes pratiques des uns et des autres et ce mélange permettra de nous améliorer.

Le projet est d’abord assis sur des objectifs de développement et le succès doit être obtenu « ensemble ». Nous allons bâtir une culture commune, avec une composante nationale affirmée, mais également internationale grâce à l’intégration des nouvelles ressources et grâce aux projets que nous pouvons avoir dans plusieurs pays.

Vous êtes logés dans la tour Kupka, mais je crois qu’un déménagement est envisagé ?

En effet, nous allons intégrer une nouvelle tour, la tour D2 qui ressemble beaucoup au « Gherkin » de la City. Ce regroupement concernera environ 1 350 personnes dont le pôle factoring, le pôle leasing, les équipes informatiques, Crédit Mutuel Accueil et CIC Accueil. Ce déménagement sera l’opportunité de regrouper les troupes avec un objectif fonctionnel, un regroupement par activités. Ce mouvement est prévu pour mai-juin de cette année.

Vous semblez réellement passionné par votre métier ? Qu’est-ce qui vous anime si particulièrement ?

Ce qui m’anime ce sont les projets. Le dossier d’acquisition qui a débuté en septembre 2015 pour un closing en juillet 2016, fut passionnant et exaltant mais ce n’est pas fini puisqu’aujourd’hui nous continuons la phase d’intégration, puis l’homogénéisation des activités pour construire une filière performante.

Mener un tel projet dans une carrière, c’est un beau moment où on peut concentrer toute son expérience et fédérer un groupe de femmes et d’hommes de tous horizons pour cristalliser les énergies. C’est comme envoyer une fusée dans l’espace, personne ne peut le faire seul et ce n’est que par un travail d’équipe précis et une coordination parfaite qu’on peut assurer le succès de la mission.

Et pour conclure ?

Le Groupe a aujourd’hui une position intéressante sur un marché en pleine transformation, mais ce marché attire beaucoup de monde avec des stratégies-prix très agressives. Le marché évolue en volume de 10 % par an mais, dans le même temps, les prix baissent fortement aussi et il est donc difficile de faire croître notre PNB. L’affacturage connait également des renégociations annuelles très dures, la concurrence est vraiment très forte et la rentabilité commerciale est un challenge permanent. Le projet d’acquisition, dans ce contexte, fut une belle opportunité et une bonne surprise.