Le virage à prendre

Emilie Lidome, Directeur Général Adjoint - CM-CIC Innovation

Pour les entreprises technologiques, réussir à faire entrer des investisseurs au capital est déterminant. Toutefois, non moins important, le timing de leur sortie se révèle encore plus crucial.

De nombreuses opportunités de sortie...

Contrairement aux idées reçues, beaucoup d'opportunités de vente s’offrent aux entreprises développant une innovation technologique, avant l’industrialisation et la commercialisation de leurs produits. Elles peuvent se présenter à tous les stades du développement et sont de deux ordres : les opportunités entrantes, qui sont généralement suscitées par le potentiel perçu de l’innovation. Il s’agit par exemple d’un grand industriel intéressé par la technologie pour compléter sa gamme de produits ou de services... ; les opportunités « poussées » qui émanent de l’entreprise ou de ses actionnaires eux-mêmes. Le besoin de nouer des partenariats commerciaux en est une belle illustration. Toutefois, ces opportunités poussées peuvent également être contractuelles, car inscrites dans le pacte d’actionnaires.

... pas toujours opportunes.

Les sorties à échéance peuvent être problématiques pour l’entreprise. Particulièrement dans le domaine de l’innovation technologique où les développements sont rarement linéaires et programmables. Retard sur la technologie, changement de business plan ou de business model et même de dirigeant y sont plus fréquents qu’ailleurs. Des sorties d’investisseurs se basant sur les plans initiaux ou sur des contraintes internes mais déconnectées de la réalité et du parcours de l’entreprise auront des effets dévastateurs.

Fonds d’investissement FCPI : attention à la rigidité.

Ces fonds sont pertinents pour le financement de certaines typologies d’entreprises ou d’innovations, notamment l’innovation d’usage qui offre des cycles courts et une bonne visibilité sur les horizons de rentabilité lorsque le modèle fonctionne. En revanche, leur durée limitée correspond moins au rythme de l’innovation technologique. Les contraintes temporelles, que ce soit en matière de délai minimal ou maximal de détention des titres, impactent fortement le financement de cycle industriel d’activités technologiques. Il faut en moyenne 5 ans pour faire la preuve d’un concept. Et la route reste par la suite encore longue avant l’industrialisation. Contraint de sortir au bout de 7 à 10 ans, le fonds devra se résigner à vendre, même à perte, pour respecter ses obligations légales. Dans le meilleur des cas, cette sortie prendra la forme d’un rachat de parts mais peut déboucher sur une cession industrielle ou une entrée en bourse. Et cela, même s’il ne s’agit pas de la stratégie du dirigeant.

Société de capital-risque : réaliste par nature.

Sociétés de capital privé, investissant sur leurs fonds propres, les SCR peuvent dès le départ, adapter la durée de leur engagement au projet et la faire évoluer avec l’entreprise. Ce qui compte pour les SCR, c’est la valeur de leur investissement. Plus que des clauses de sorties, elles proposent des clauses de rendez-vous pour faire le point et décider avec le dirigeant l’évolution de l’accompagnement de la participation. Les décisions ne sont pas ici polluées par des contraintes de temps mais par la qualité des opportunités, même si elles interviennent plus tard que prévu ou plus tôt. Une SCR dispose d’un statut assez souple pour lui permettre d’être à l’écoute des porteurs du projet. Ce qui est crucial pour réussir la sortie d’un financier. Elle peut rester plusieurs années de plus si une réorientation technologique ou stratégique le demande, et prolonger son accompagnement pour coller au cycle de croissance industriel exigé. Elle peut aussi reconnaitre le bénéfice pour la société d’une opportunité entrante d’adossement industriel et sortir précocement.

Un devoir de proximité et responsabilité

Cette souplesse nécessite une connaissance au plus près des réalités de l’entreprise et de ses évolutions. Là où un fonds pourra ne demander qu’un reporting , la SCR s’impliquera beaucoup plus dans l’accompagnement. Au bout du compte, elle finira par réaliser sa participation, mais selon des critères objectifs : sa capacité financière et stratégique à poursuivre cet accompagnement...et surtout, la volonté du dirigeant.